Larmes
Raid aérien
La pluie se mêle aux larmes
Des orphelins
Franz Terryn
Daniel Diot : écriture, peinture, lecture
Vers la fin d'un long après-midi de lecture, je ressentis le besoin de me lever mû par une troublante sensation. Je m'approchai de la fenêtre, mon visage se refléta dans la vitre mais je pus voir de façon très nette un aéronef traverser le ciel. Il était constitué d'une sphère translucide à laquelle était attachée une nacelle oblongue dotée d'une hélice en cristal. Une musique lointaine, presque angélique émanait de cet objet. Un éclair zébra le ciel pourtant si pur.
Tout au fond de moi, je ressentis un élan irrésistible qui me poussait à marcher vers ce pays inconnu dont me parlait la lettre que je venais de lire. Je ne savais pas exactement qui l'avait écrite, son auteure disait me connaître mais je ne reconnaissais pas cette écriture et la signature ne m'évoquait absolument rien. Je me saisis d'une lanterne posée sur la table et descendit les escaliers de la tour où se trouvait mon cabinet de lecture.
Au cours de la seconde journée de marche, j'atteignis un bâtiment aux formes élancées à moitié en ruines. Sur le parvis, trois femmes semblaient m'attendre. Je gravis les escaliers et m'approchai d'elles. La jeune fille qui se trouvait au centre me regarda, me fit un signe de la main que je ne sus comment interpréter. Puis, d'une voix légère et posée elle me dit de gagner l'arrière du bâtiment. Là, dit-elle, parmi des arceaux de l'abbaye, à l'ombre des statues, se trouverait une mince ligne de lumière, je devais la suivre et pénétrer dans le labyrinthe. Je devais l'explorer et déposer une pierre soigneusement choisie devant chacune des statuettes que je rencontrerais sans en omettre aucune. A l'issue de ce cheminement il me serait peut-être accordé la possibilité de sortir, à condition que mes offrandes aient été agréées.
J'avais l'impression de vivre un instant relaté dans un livre que j'avais lu autrefois. Je ne me souvenais pas de la suite.
Daniel Diot
" Je ne suis que blocs de pierre sur grains de sable. Je ne suis que pesanteur et silence, inertie et densité. Nul ne saura jamais mon secret ni même si j'en détiens un. Contente -toi de goûter la beauté brute de ma chair opaque. Regarde-moi sans souffler mot et sans rien me demander. Tais-toi et tente, à travers mon corps hermétique, de te trouver toi même. " - Bashô
Les jardins zen ont un but essentiel : suggérer dans l'esprit de ceux qui les contemplent
la perception d'un espace intérieur.
Robert Linssen. ( Auteur bouddhiste zen belge / 1911-2004)
(Tombeau du poète)
Détrompez-vous :
ce n'est pas moi qui ai tracé toutes ces lignes
mais, tel jour, une aigrette ou une pluie,
tel autre, un tremble,
pour peu qu'une ombre aimée les éclairât.
Le pire, ici, c'est qu'il n'y a personne,
près ou loin.
Philippe Jaccottet
(Cahier de verdure - Fragments soulevés par le vent - Poésie/Gallimard 1990)
Phillipe Jaccottet vient de nous quitter.
Je me trouve bien avec lui dans cette voie de "l'ombre aimée" et dans ces "fragments soulevés par le vent". Charles Trenet a raison quand il dit que "lorsque les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues". Philippe Jaccottet nous accompagne toujours, jusque dans la poussière de nos pas. Belles promenades à tous !
"Vivre, c'est vivre poétiquement" : Edgar Morin.