Odile Dantin
Odile Dantin. Femme de Lettres.
(1807 - Chateauroux / 1882- Pondichery)
Odile Dantin est la fille aînée de Charles Emile Dantin, général d'Empire, Prince de l'Andon. Dès l'adolescence, elle montre de l'intérêt pour la littérature qui deviendra vite une passion. Plus rare à cette époque pour une jeune fille, elle s'interesse aussi à la politique où son père joue un rôle. Dès 1823, elle se fait remarquer dans la vie publique parisienne, rencontrant Victor Hugo et établissant une relation amicale avec l'homme d'Etat C.M de Talleyrand. Elle écrit des poèmes, participe à des salons.
En 1829, elle fait un coup d'éclat en publiant un violent pamphlet contre Charles X qui la fait remarquer dans les milieux anarchistes alors en gestation. Puis elle publie, en 1831, un premier roman "La femme et son maître". On estime que la polémique et le scandale provoqués par cet ouvrage étonnant, où l'influence du marquis de Sade apparaît mieux aujourd'hui, furent la cause réelle du suicide de son père, richissime ministre de Louis XVIII.
Se retirant pour quelques temps sur la côte flamande à Ostende, elle y développe une intense activité créatrice dont le recueil "Les Vestales" reste l'oeuvre la plus significative. Elle voyage ensuite beaucoup, notamment en Angleterre et en Russsie où elle fait la connaissance de Bakounine, de Gogol, d'Ivan Tourgueneiv, avec qui elle entretiendra toute sa vie une riche correspondance. En 1833, elle se marie à Saint-Petersbourg avec Piotr Ivanovitch Nabokov. De cette union rapidement rompue, naît un garçon qu'elle abandonne à la garde de son père. Il est avéré, qu'enceinte, elle participa cette année là, à un duel au pistolet dont les raisons restent très obscures.
De retour à Paris, en 1835, elle publie "Pas ça" et, en 1837, " Pas ça et alors", les deux grands textes dont Henri Michaux écrira qu'ils ouvraient la voie à Lautréamont et aux surréalistes. Bien qu'ayant affiché une certaine réserve lors de la "Bataille d'Hernani" et qu'elle fût toujours assez distante avec les romantiques, Victor Hugo lui écrit en 1837 "...vous lisant, je m'aperçois que, de mes voix intéieures, vous êtes de celles qui comptent le plus." Elle prend des distances cependant avec le poète peu après la mort de sa fille Léopoldine avec laquelle elle entretenait une relation forte et complexe, délicatement évoquée dans "Blanche, l'après-midi" (1842).
Elle partage alors son temps entre Paris et Londres, faisant de fréquents séjours sur les bords de la Mer du Nord et de l'Atlantique. En 1838, elle se lance dans ce qui appararaît comme une aventure folle : elle parvient à se faire admettre comme matelot sur le "Great Western" qui réalise avec succès sa tentative de record de traversée de l'Atlantique, joignant Bristol à New-York en quinze jours et dix heures.
A New-York, elle rencontre E. A. Poe. On ne sait pas grand-chose de cette rencontre mais leurs noms figurent ensemble dans un rapport de police évoquant une rixe dans un établissement de plaisir ouvert la nuit.
De retour en Europe, Odile Dantin intervient fréquemment dans la vie poltique, prenant parti contre la peine de mort, le travail des enfants et à propos de la condition faite aux femmes. En avril 1846, elle pose publiquement sa candidature à l'Académie Française. C'est à cette même époque qu'elle se lie d'une amitié qui se révèlera indéfectible avec Honoré Daumier. Ombrageuse, tourmentée, elle continue une vie de voyages alors que son oeuvre prend un tour nouveau comme l'attestent les recueils de nouvelles comme "Contes masqués" (1852), "Minuits" (1853) , "Sabatines" (1855), qui participent à la naissance du genre fantastique.
Au cours d'un de ses longs séjours en Angleterre, une liaison avec Mlle Jennifer Cunning Lancaster, jeune cousine de la reine Victoria et fille de Lord Cunning Lancaster, gouverneur général des Indes est révélée par la presse. Une campagne venimeuse commence. Il semble bien qu'Odile Dantin eut au moins deux entretiens secrets avec la reine. Les deux femmes tiennent tête à la plus haute société du royaume qui doit s'incliner.
En 1863, avec Jennifer C. Lancaster, elle participe à la création de la société d'imprimerie "Balitout-Questroy-Dantin et Cie" qui se consacre à l'édition de nouveaux auteurs. Elle publiera au fil du temps des textes de Paul Verlaine, de Gérard de Nerval, de Guy de Maupassant et même des traductionsde C. Darwin. C'est Odile Dantin qui convaint Isidore Ducasse de la laisser publier en 1868 "Le chant premier" des futurs "Chants de Maldoror", l'auteur impose cependant que l'édition reste anonyme.
Elle continue à voyager régulièrement à travers l'Europe, ce qui ne l'empêche pas d'être présente dans la presse française, notamment dans le "Moniteur Universel" où elle écrit, prenant parti pour les républicains. Elle soutient l'opposition à Napoléon III en aidant financièrement l'action de Léon Gambetta. Elle reste à Paris durant le siège de septembre 1870 et pendant le soulèvement de la Commune. Elle est élue par les Parisiens membre du Conseil Général de la Commune de Paris. Proche de Proudhon, opposée à Blanqui, elle quitte rapidement son poste et participe à des combats au début de la "semaine sanglante" de mai 1871. Bouleversée par le massacre du 27 mai, elle quitte la France et s'installe à Bruxelles.
En 1874, elle publie un recueil de textes dont la rédaction s'est étalée tout au long des années 1860 - 872. L'épais recueil intitulé "la virgule ficelle", ouvrage qui échappe à tout classement ou typologie. Roger Caillois écrira à propos de ce texte : "L'auteur subvertit le sens à mesure qu'avance l'énoncé, en sorte que cet ouvrage s'instaure et se détruit en même temps qu'il se développe, apparaissant ainsi comme bien plus qu'une oeuvre littéraire". Avec "Les chants de Maldoror", "La virgule ficelle" fait dévier la littérature vers des voies que les surréalistes exploreront encore et révèlant au lecteur les multiplicités d'un "moi" difficilement accessible. En 1875, elle entreprend un long voyage en Scandinavie puis en Russie en compagnie de son viel ami Ivan Tourgueniev dont elle a ardemment contribué à faire connaître l'oeuvre en France par des articles dans la "Revue des deux Mondes".
En décembre 1876, elle rentre précipitamment en France où son amie Jennifer C. Lancaster vient de mourir accidentellement. Elle séjourne quelques mois à Paris puis se rend à Londres d'où elle s'embarque pour l'Inde le 2 novembre 1877. Sa correspondance (Tourgueniev, Maupassant, Daumier) la montre au Yemen, à Calcutta, au Cachemire, à Madras. Les autorités de Pondichéry annoncent son décès le 7 mai 1882. L'acte de décés mentionne une forte absorbtion de substances toxiques et hallucinogènes.